Sunday 25 May 2008

"Vesti la giubba", Giuseppe di Stefano

Vous trouverez ici un extrait de The Art of Singing, NVC Arts, 1996. Giuseppe di Stefano y interprète "Vesti la giubba" (26 janvier 1958, avec le Royal Philharmonic Orchestra conduit par Eric Robinson). Vous y trouverez aussi un entretien avec ce ténor.

Vous trouverez quelques indications biographiques sur Giuseppe di Stefano dans le billet consacré à l'interprétation de "Una furtiva lagrima" par di Stefano, en cliquant sur le tag/libellé, dans la colonne de gauche, "Stefano (Giuseppe di)" ou en cliquant ici.

Pagliacci (1892) est un opéra constitué par un prologue et deux actes, composé par Ruggero Leoncavallo (23 avril 1857- 9 août 1919). Cet opéra narre l'histoire tragique d'un mari jaloux dans une troupe de la commedia dell'arte. La première eut lieu au Teatro dal Verme, à Milan, le 21 mai 1892, sous la direction d'Arturo Toscanini.

L'air chanté par di Stefano, "Vesti la giubba", est un classique du répertoire et un air très connu: Enrico Caruso vendit plus d'un million de disques de son interprétation.
"Vesti la giubba" est la conclusion du premier acte. Canio, le personnage qui le chante, est un clown, qui joue le mari trompé dans une pièce de théâtre. Il a revendiqué devant tous que sa femme ne le trompait pas, qu'il ne permettrait à aucun homme de s'approcher d'elle. Mais, avant la fin du premier acte de l'opéra, il surprend sa femme, Nedda, avec un autre homme, Silvio, entrain de fuir. Cependant la pièce de théâtre doit commencer, la troupe doit monter sur scène, Canio doit se préparer, enfiler son costume et jouer le mari trompé. "Vesti la giubba" est le chant d'un homme vaincu par le réel, humilié de devoir jouer ce qu'il est dans la "réalité".

Voici le texte en italien, avec une traduction de mon crû:
Vesti la giubba (revêt ton costume),
e la faccia infarina (et poudre ton visage).
La gente paga, e rider vuole qua (les gens te paient et ils veulent de te voir rire).
E se Arlecchin t'invola Colombina (et si Arlequin te vole Colombina),
ridi, Pagliaccio, e ognun applaudirà (ris, Pagliacco, et tous applaudiront)!
Tramuta in lazzi lo spasmo ed il pianto (ravale tes pleurs)
in una smorfia il singhiozzo e 'l dolor, Ah! (et camoufle ta douleur par un visage joyeux)
Ridi, Pagliaccio, (ris, Pagliaccio)
sul tuo amore infranto! (sur ton amour brisé)
Ridi del duol, che t'avvelena il cor! (ris de la douleur qui empoisonne ton coeur!)

Di Stefano est sans aucun doute l'un des plus grands ténors que le 20ème siècle a connu, tant sur le plan dramatique que sur le plan de la technique vocale. Il est même assez difficile de disjoindre les deux chez lui, car il trouve manifestement son énergie dans le rôle et les circonstances narratives qui affectent son personnage.
Du point de vue de la technique vocale, il n'y a rien, ou presque, à reprocher. La respiration est très haute: il gonfle la partie supérieure des poumons pour pouvoir respirer très rapidement (le temps de pause est très court dans ce morceau). Mais cette respiration est compensée par le fait qu'il bloque l'air avec la pression du diaphragme et les muscles de soutien. Cela se voit très nettement dans le fait que sa cage thoracique ne s'effondre pas au moment de l'expiration: sa posture reste droite, ferme, sans être tendue.
Aucune tension n'est remarquable dans son corps. La mâchoire, la gorge, la langue... sont bien détendus. Mais tout le monde sera sensible à l'impression de puissance qu'il dégage en chantant. G. di Stefano est une boule de muscle avec une énergie extraordinaire, qu'il vient puiser directement dans son interprétation du personnage. Aucune tension, mais une puissance de contraction musculaire vraiment impressionnante. Cette différenciation entre la contraction musculaire et la tension se remarque par un fait anodin: il cligne des yeux de manière détendue alors qu'il chante avec puissance.
L'auditeur sera sensible à la très belle diction de di Stefano: aucun mot n'est avalé, les consonnes sont bien prononcées, les voyelles sonnent clairement. Di Stefano ne chante pas des notes: il se souvient qu'il chante des phrases. Contrairement à Bergonzi, qui a tendance, quelques fois, à hacher les mots, di Stefano prend toujours en compte la dimension linéaire de la phrase. Il en résulte que l'auditeur peut comprendre le texte sans le connaître au préalable.

En 1958, ses problèmes respiratoires ne le gênent pas encore assez pour altérer ses performances. À cette époque, il fait, avec Maria Callas, des sessions opératiques qui resteront dans les annales.
Bonne écoute!




Voici l'entretien:




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